Vers des applications eco-responsables
La transition énergétique et l’écologie s’invite de plus en plus dans la gouvernance et la stratégie digitale des entreprises.
Les projets de transformation digitale ont longtemps ignoré la dimension environnementale. Le numérique permettait de dématérialiser et réduire ses déplacements ; il était donc par essence écologique.
La première prise de conscience réelle a concerné la consommation énergétique des datacenters, extrêmement énergivores.
Puis des études ont montré que la consommation énergétique globale du numérique (datacenter, serveurs d’entreprises, équipements réseaux, terminaux) était significative et en croissance rapide. Le numérique consommerait près de 10% de l’électricité mondiale et représenterait près de 4% des émissions mondiale de CO2 en 2019 (par comparaison la France émet 0,9% du CO2 mondial et l’Inde 6%).
Enfin “l’inquiétude” s’est portée non pas sur la consommation énergétique du numérique, mais sur l’impact de la fabrication des terminaux, serveurs et équipements réseau.
La forte croissance des smartphones et objets connectés en particulier, aurait des impacts environnementaux très forts, notamment un risque d’épuisement des minerais et métaux “rares” (il faut 70 kilos de matières premières pour fabriquer un smartphone de 200g), avec un taux de recyclage encore très limité (moins de 5% du poids d’un smartphone serait recyclé en France).
Empreinte environnement du numérique : difficile d’y voir réellement clair
Il faut reconnaître que quand on s’intéresse d’un peu plus près au sujet sans en être expert, il est difficile de se faire une réelle idée des impacts et enjeux.
Les études et chiffres varient sensiblement, ce qui est logique tant les paramètres sont nombreux et complexes à évaluer. Il convient en effet de voir le bilan global du numérique sur l’environnement : ce qu’il “coûte” d’un côté mais ce qu’il permet d’économiser de l’autre. Le numérique est tellement imbriqué dans l’économie et la vie quotidienne qu’il est difficile de mesurer son bilan énergétique global.
Certaines études mettent en avant les économies indirectes générées par le numérique :
- coût de fabrication et d’acheminement du courrier
- économies d’énergie grâce aux bâtiments intelligents
- réduction des déplacements grâce au télétravail, au e-commerce…
- réduction de ses temps de trajets grâce au GPS
- réduction du nombre de trajets automobiles grâce aux services de co-voiturage, trottinettes et autres véhicules électriques, rendus possibles par le smartphone
- sans oublier les applications nous aidant à mieux agir sur la protection de l’environnement
Certains mettent en avant le risque de l’explosion du nombre de devices et de la consommation associée, notamment smartphones et objets connectés, quand d’autres soulignent que ces terminaux consomment beaucoup moins que les PCs, et qu’ils suppriment aussi des équipements traditionnels (appareil photos, réveils, GPS, etc.)
Une étude de l’association negawatt avance que le numérique ferait économiser 2 à 3 fois plus d’énergie primaire qu’il n’en utilise, quand d’autres études estiment qu’il peine tout au plus à équilibrer ses dépenses avec les réductions générées, celles-ci étant très difficiles à évaluer (ce que confirme une étude Ademe en 2016)
Le devoir de mieux faire
Il est clair que nous, professionnels du secteur, avons très peu intégré cette dimension dans nos choix et implémentations.
Et nous, consommateurs, pas du tout (ou si peu…)
Même si le bilan “écologique” global du numérique était positif pour l’environnement (i.e. si le numérique générait plus d’économies que ses propres émissions), nous avons l’obligation de faire mieux en matière écologique : moins consommer et moins polluer.
Si les regards se sont portés sur les sources de pollution les plus visibles (datacenter, fabricants de terminaux et d’équipement), c’est bien sûr parce que ce sont les sources d’économies les plus immédiates à réaliser. Mais aussi peut être les plus simples, celles qui retardent l’échéance d’actions pour la majorité des entreprises et les consommateurs.
Les entreprises éditeurs des applications et les utilisateurs doivent maintenant prendre leur part dans l’effort général engagé. Sans attendre.
Modifier ses habitudes d’achats de terminaux
Je ne développerai pas ici le volet “pollution liée à la fabrication” des terminaux, même s’il est très important, notamment sur les smartphones (les trois quarts de son empreinte écologique globale selon une étude Ademe).
En résumé, les consommateurs vont devoir à l’avenir :
- accepter de renouveler moins souvent leurs terminaux
- se forcer à les recycler (ne plus garder n vieux smartphones dans son placard “au cas où cela serve” )
-exiger des constructeurs une réelle politique environnementale
Les fabricants ont avancé sur ce domaine, avec la reprise des anciens smartphones, les programmes de remplacement des batteries et l’utilisation de matériaux recyclés qui se généralisent. Apple s’est par exemple engagé à développer des iPhone utilisant des matériaux 100% recyclés ou renouvelables à l’avenir.
Mais il reste encore beaucoup de chemin à parcourir…
Adopter une démarche d’éco-conception
L’éco-conception consiste à concevoir et développer informatiquement son service de manière à utiliser le moins de ressources possibles sur toute la chaîne (serveurs, réseau, terminal):
- réduire autant que possible le transfert de données sur le réseau
- limiter le nombre d’appels serveurs
- limiter la consommation de CPU et de mémoire des serveurs et terminaux
Il y a trois niveaux d’actions à considérer :
1/ Agir sur les aspects techniques uniquement
Il s’agit de développer le service en optimisant :
- les nombres et types de traitements sur les serveur (nombre de requêtes, accès aux bases de données, taille et compression des fichiers, caching, choix des technologies les moins “verbeuses”…)
- la quantité de données transmise sur le réseau (concaténation des requêtes, caching réseau, optimisation de la bande passante utilisée…)
- la consommation de données sur le terminal (choix des framework front pour optimiser le traitement des données, l’affichage etc.)
Les choix d’architecture et de framework peuvent s’avérer différents si l’on prend en compte les aspects environnementaux.
2/ Agir sur le design et les contenus
Une interface sobre, avec peu d’images, sans vidéo, avec peu d’animations graphiques, est naturellement plus économe qu’une interface riche manipulant des vidéos. Dans ce cas si le fonctionnel n’est pas forcément en jeu, l’interface et la richesse des contenus peuvent permettre des gains significatifs.
Il est clair que l’approche “mobile first”, qui s’est largement étendue sur l’ensemble du Web, plus sobre que les designs web desktop “classiques” est bénéfique pour l’environnement.
3/ Agir aussi sur le fonctionnel
Renoncer à des fonctionnalités pour limiter l’utilisation du service à ce qui est nécessaire : c’est évident beaucoup plus “impactant” pour l’éditeur. Si cela semble impensable pour bien des acteurs aujourd’hui, je fais le pari que cette question se posera à l’avenir, notamment sur l’utilisation massive des vidéos déclenchées automatiquement sur les sites.
Si ces mesure semblent être uniquement contraignantes pour les éditeurs, elles peuvent en réalité amener de réels bénéfices :
- des performances d’affichage et une qualité perçue par l’utilisateur nettement supérieure (chargement plus rapide des écrans)
- des coûts de maintenance et d’évolutions réduits
- un design plus sobre donc plus intemporel 😉 et un service plus accessible
Développer la culture de la sobriété
Il nous semble aujourd’hui naturel que les fournisseurs d’énergie accompagnent leurs clients dans une démarche d’économie d’énergie. Cela a pourtant pour effet de réduire leurs revenus.
Certaines personnes limitent désormais leurs destinations de voyage pour limiter la pollution qu’elles génèrent.
Je suis convaincu que les consommateurs vont dans quelques années apprendre à ne plus gaspiller leurs usages numériques. Ne plus envoyer autant de mails inutiles. Ne plus poster une photo banale. Ne plus visionner n fois certaines vidéos en streaming. Espacer la visite à certaines applications.
Petit à petit le réflexe de tri, d’anti-gaspillage va s’installer dans les usages et comportements numériques.
Cette culture sera naturellement accompagnée voire initiée par les éditeurs d’applications. Ils vont par exemple indiquer l’empreinte écologique du service utilisé (en quelque sorte l’équivalent du g de CO2 par km parcouru dans les transports). Éviter de sur-solliciter les utilisateurs avec des campagnes marketing pour doper le nombre de visites. Éviter de générer de forts pics d’audience (intéressant de voir à ce titre déjà des voix s’élever contre le black Friday).
Les marques vont probablement modifier les KPI marketing, abandonner les données quantitatives traditionnelles de visiteurs uniques, pages vues, téléchargements etc. pour se concentrer sur les visites “efficaces”, la baisse de leurs émission de CO2 numérique. Peut être qu’un jour les directions marketing s’engageront sur une baisse du nombre de visites par utilisateurs par mois sur certains services pour avoir des sessions plus efficaces…
Conclusion
La plupart des stratégies d’entreprise se fondent aujourd’hui sur des approches de développement durable et responsable. La lutte contre la pollution va devenir une priorité dans chaque secteur de l’entreprise.
Le numérique n’échappera pas à cette règle. Même s’il est un formidable instrument de mise en place de ces politique de développement durable, il devra gagner en sobriété.
Les entreprises devront accompagner les consommateurs dans ce changement de culture de “l’open bar numérique” à une consommation numérique raisonnée.
Pour se préparer à ces changements les entreprises doivent définir et mettre en oeuvre une réelle politique du numérique écologique :
- faire le bilan de l’empreinte écologique de leurs services numériques
- mettre en place une politique d’éco-conception des applications
- définir de nouveaux indicateurs de performance de leurs services
- sensibiliser les équipes à cette démarche
Le mobile, premier device utilisé, aura un rôle clé à jouer dans cette transition. Sa “sobriété” naturelle en énergie, données, design devra être conjuguée avec cette évolution des usages.
Des outils existent pour vous aider
Le collectif GreenIT a mis à disposition des outils complets sur l’éco-conception web https://collectif.greenit.fr/outils.html. Il faut un peu l’adapter pour les Apps mobiles mais c’est une excellente base.
Des solutions de mesure de la consommation énergétique des sites et apps ont également vu le jour. Citons notamment la solution française Greenspector pour les Apps mobiles.
FAQ
Qu'est-ce que l'éco-conception d'applications mobiles ?
L'éco-conception d'applications mobiles est une approche qui vise à réduire l'impact environnemental des applications en optimisant leur consommation d'énergie, leur utilisation des ressources et en adoptant des pratiques de développement durables.
Quel est l'impact environnemental du numérique ?
Le numérique représente environ 10% de la consommation électrique mondiale et 4% des émissions de CO2. La fabrication des appareils a également un impact majeur, nécessitant d'importantes ressources (70kg de matières premières pour un smartphone de 200g) avec un faible taux de recyclage.
Comment réduire l'impact environnemental d'une application mobile ?
Pour réduire l'impact environnemental d'une application mobile, il faut optimiser sa consommation d'énergie, minimiser l'utilisation des ressources serveur, réduire le poids des données transférées, et adopter des pratiques de développement éco-responsables.
Le numérique est-il vraiment écologique ?
Bien que le numérique permette certaines économies (réduction des déplacements, dématérialisation), son bilan environnemental global est débattu. Certaines études suggèrent qu'il génère plus d'économies que d'impacts, d'autres indiquent un bilan plus mitigé, notamment à cause de la multiplication des appareils connectés.
Quels sont les enjeux futurs de l'éco-conception numérique ?
Les principaux enjeux sont l'optimisation de la consommation énergétique des applications, l'amélioration du recyclage des appareils, la sensibilisation des développeurs et utilisateurs aux bonnes pratiques, et l'intégration systématique de critères environnementaux dans les projets numériques.